Sur la réforme des rythmes scolaires (intervention de Loïc Broussard, 15 octobre 2014)

Sur la réforme des rythmes scolaires (intervention de Loïc Broussard, 15 octobre 2014)

Sur la réforme des rythmes scolaires

par Loïc Broussard

 

Pourquoi il faut abandonner le texte réglementaire de la réforme des rythmes scolaires!

 

“Mieux apprendre et favoriser la réussite scolaire de tous” est l’idée maîtresse qui chapeaute la dernière réforme des rythmes scolaires. Telle qu’elle est engagée, cette dernière n’est cependant pas susceptible d’améliorer la réussite scolaire des élèves de l’école primaire.

Elle s’appuie sur des constats justes: la journée de classe est trop longue avec ses six heures d’apprentissage, le niveau de compétence en lecture tend à s’infléchir. Toutefois, la réforme ne répond pas correctement au défi que constitue l’élévation du niveau de réussite scolaire. Face aux inquiétudes des familles, elle n’apporte pas une réponse cohérente.

Cette réforme est justifiée sur le fond. En 2008, date du passage aux quatre journées de classe, la France compte 144 journées de classe par an contre 187 en moyenne pour les autres pays de l’OCDE. Par contre, elle totalise 864 heures de cours contre 774 à 821 pour les autres membres. Ces chiffres mettent en évidence une répartition déséquilibrée des heures de classe sur l’année. En 2010, le rapport de l’Académie Nationale de Médecine sur ces mêmes rythmes scolaires préconise davantage de jours de classe mais moins longs. Le projet du gouvernement Ayrault était donc justifié. Rappelons que le programme électoral du candidat Hollande préconisait une augmentation du nombre de jours de classe avec une réduction des heures sur la journée, des périodes travaillées de 7 semaines entrecoupées de périodes de vacances de 2 semaines ainsi qu’ un raccourcisement des vacances d’été.

C’est là que réside un des points faibles de la réforme engagée. En effet, le gouvernement a choisi le seul aspect du rythme hebdomadaire et n’a en aucune façon agi sur le calendrier scolaire. Le lien entre ces deux composantes est essentiel car il faut à la fois réduire l’horaire quotidien et augmenter le nombre total de jours de classe sur l’année. On sait que des freins puissants gênent cette réorganisation tant du côté de certaines familles que de celui des acteurs économiques. Il faut seulement noter cet aspect pour comprendre en quoi cette réforme est mal engagée.

L’observation de la seconde justification gouvernementale donnée à ce texte est plus pertinente du point de vue de l‘inadéquation entre le constat et la réponse. Une enquête de la PIRLS (Progress In International Reading Literacy Study) de 2011 classe la France 29° sur 45 quant aux performances de lecture des élèves de CM1. L’étude note que c’est l’ensemble des élèves, l’ensemble des écoles qui accusent un retard et non pas les seuls élèves en grande difficulté. Constat inquiétant mais réponse inadaptée! En quoi les rythmes scolaires sont-ils responsables de ce recul des élèves français de CM1? Ne faut-il pas s’interroger plutôt sur les méthodes d’apprentissage, voire sur le temps consacré à l’étude de la lecture? Sur ce point, nous pensons que la réforme engagée par le gouvernement n’est pas en mesure d’apporter des solutions aux constats dressés.

Si, sur le fond, la réforme est justifiée, elle ne tient néammoins pas ses objectifs initiaux. C’est là une source de confusion qui augure mal de ses effets.

Sur la forme, il existe un grave défaut de méthode. Il est bien qusetion d’un outil pour concevoir la mise en oeuvre autour des collectivités et des acteurs locaux. Il s’agit du P.E.T., Projet Educatif de Territoire. Cette instance reste hélas une entité abstraite puisqu’aucune négociation ne l’a précédée, qu’aucune concertation ne l’a accompagnée. C’est poutant bien à l’Etat qu’incombe le pilotage de ce nouveau dispositif. C’est aussi à lui de répartir la prise en charge des dépenses supplémentaires occasionnés, dans le souci d’une équité entre communes. Or, rien de tout cela n’a été fait. Cette absence de définition génère de multiples dysfonctionnements.

Ainsi, les activités éducatives sont encadrées par des personnels embauchés par les municipalités. Malgré le fonds d’amorçage de l’Etat, reconduit sur deux autres années, le coût reste élevé. Cela a souvent une conséquence pour les villes pauvres: la réclamation d’une participation supplémentaire aux familles. Or, la réorganisation du temps scolaire a déjà augmenté en volume ou en coût les frais de garderie. Est-il juste de mettre en place cette réforme sur un financement des familles? D’autre part, le recrutement de personnel pour trois heures hebdomadaires risque de générer un volant de main d’oeuvre non qualifié. Les textes n’ont pas défini le statut des intervenants; c’est une carence.

Malgré la différenciation des subventions (50€ pour les communes riches et 90€ pour les autres) certaines villes devront consentir un effort plus important. Il n’y a pas d’équité entre communes. Les collectivités territoriales n’ont pas été associées à ce projet et certaines en supportent un coût déraisonnable. Cela va bien sûr à l’encontre du principe d’égalité républicaine dont l’Etat est le garant.

On le voit, la journée de l’enfant n’aura pas varié du point de vue de ses bornes horaires. Il vit des temps scolaires: les cours, des temps extra-scolaires: le repas, l’étude et des temps éducatifs avec des activités que l’on peine encore à définir. Tout cela, il le vit dans le même lieu, même si ce n’est pas dans le même endroit; il s’agit de l’école. Quelle sera la nature des activités éducatives? Qu’en sera-t-il de la compétence des intervenants? L’école apporte sa caution à tout ce pan d’activités mais elle est sans réel pouvoir. En 2008, avec l’arrivée de 4 journées de classe, deux heures hebdomadaires étaient proposées aux élèves en besoin; ce sont les enseignants qui encadraient ces temps et il s’agissait d’apprentissages avec des supports, des méthodes différents de ceux de la classe. Maintenant, cohabitent deux formes d’intervention de nature différente. Nous pensons que cela peut être source de confusion pour l’enfant. Nous souhaitons que l’école soit parfaitement identifiée comme lieu de savoir, avec une priorité absolue donnée aux apprentissages.

La journée de l’élève est-elle allégée? On peut en douter puisque les bornes horaires demeurent les mêmes si l’on met bout à bout temps scolaire, temps péri-scolaire et temps éducatif. Il y a même une demi-journée supplémentaire passée hors du domicile. Peut-on parler de respect du rythme de l’enfant? Nous pensons que d’autres exigences ont pris le pas sur cet objectif initial et que la réforme engagée est en quelque sorte vidée de sa substance

En conséquence, ce texte règlementaire doit être retiré. En lieu et place, une large concertation entre les services de l’Etat, les collectivités territoriales et les partenaires locaux devrait être menée sous pilotage national. On ne fera pas l’économie d’une refonte globale de l’Institution passant par la redéfinition des programmes recentrés sur les apprentissages fondamentaux, la validation de méthodes pédagogiques performantes c’est à dire permettant la réussite de tous. La question des rythmes scolaires se traite au sein d’une réforme globale de l’école.

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