Sur la suppression des notes (intervention de Géraldine Rose, 15 octobre 2014)

Sur la suppression des notes (intervention de Géraldine Rose, 15 octobre 2014)

Sur la suppression des notes

par Géraldine Rose

 

 

La suppression des notes : un gadget pédagogique

Les incivilités et le manque de motivation dans les classes chez les élèves comme chez les profs augmentent. Les professeurs en ont assez de mettre des mauvaises notes, les élèves en ont assez d’avoir de mauvaises notes. La France descend régulièrement dans le classement PISA.
Les gouvernements ne savent plus comment masquer l’échec de notre système éducatif. Que faire ?
Pour masquer l’échec de notre système éducatif, on supprime les notes. Et ce sont en premier, les enfants le plus socialement défavorisés qui vont pâtir de cette suppression.

Pour supprimer les notes, il faut d’abord nous faire croire qu’elles traumatisent nos enfants !

Votre enfant rentre de l’école en pleurs ! Et bien, Notre gouvernement en connaît la raison. A l’heure actuelle, notre école est envahie de méchants professeurs, tous plus vicieux les uns que les autres.
Aucun n’aime son travail, et le professeur se défoule sur ses élèves en ne mettant que des mauvaises notes : des « notes sanctions » !

Il est temps de mettre fin à ces préjugés. Les mauvaises notes ne sont pas dues à un laisser-aller de nos enseignants, mais à un système éducatif en chute libre après des années de réformes qui vont dans ce sens ( 1975 la loi Haby avec le collège unique, 1989 la loi Jospin avec l’élève au centre de l’école, en 2005 la loi Fillon avec le socle commun…. )
Nous voulons une école du savoir pour nos enfants et elle se transforme en un lieu de vie. Mais un lieu de vie qui ne collerait pas à la réalité. Car « la note est le reflet de la vie sociale à laquelle les élèves vont se confronter » comme l’écrit très justement Camille Paoli, Collectif Racine

On essaye de nous persuader que les mauvaises notes démotivent nos enfants.
Mais la vraie source de démotivation est de venir tous les jours à l’école et voir ses enseignants malmenés par quelques élèves et parfois empêchés de faire leur cours, rentrer chez soi en fin de journée sans savoir si l’on a appris quelque chose ou pas.
Ce qui démotive les élèves, c’est de ne plus avoir de repères, ne plus être reconnu dans ses efforts. Et la note sert aussi à ça.

On nous dit que les mauvaises notes sont violentes pour les élèves. Mais qu’en est-il de la violence qui sera faite à nos élèves lorsque nous les aurons laissé pendant toute leur scolarité, sans repères, sans réellement savoir s’ils savent ou pas ? Qu’en est-il de la violence que nos enfants subiront lorsqu’ils devront choisir une orientation sans connaître leurs points forts et leurs points faibles ?
Qu’en est-il de la violence que nos enfants subiront lorsque, une fois sur le marché du travail, ils devront faire face à l’inéluctable compétitivité de notre société alors qu’ils n’y seront pas préparé ?

On nous dit que les notes empêchent nos enfants d’apprendre. Mais, alors que les notes ont été supprimées en primaire depuis plusieurs années en France, pourquoi le pourcentage d’élèves ne sachant ni lire, écrire, compter à l’entrée en 6ème augmente tous les ans ?
Et comme le dit très justement Jean-Paul Brighelli :

Le problème n’est pas la peur. Une certaine appréhension peut être pédagogiquement positive, comme pour un athlète. Même entraîné, il garde une nervosité avant chaque compétition. J’ai vu par ailleurs des élèves avoir infiniment plus peur, même une trouille historique, avant un devoir de maths. Un stress relatif doit permettre de « mobiliser les compétences » pour reprendre le jargon. On ne fait pas une dictée comme si on allait se balader ou à une fête…
Une fois convaincu de la dangerosité des notes, on les remplace par un code de couleur ou des points positifs et on en force l’application dans quelques établissements scolaires avant de le généraliser sur tout le territoire.

– En primaire, déjà depuis plusieurs années, les notes ont été remplacées par un code couleur.

– On a introduit l’évaluation positive dans les dictées : on compte des points pour les mots bien écrit, partant du principe que nos enfants ne sont pas capables d’écrire un texte correctement.

– On expérimente les classes sans notes. Les bulletins chiffrés sont réduits à 6 lignes se terminant par un code couleur (rouge, orange et vert).
Et comment s’y retrouver en tant que parent face à un tel bulletin ? Comment aider notre enfant ?
Il aura une couleur en face des compétences suivantes : autonomie/initiative ; réaliser, s’informer, communiquer, raisonner/argumenter et mémoriser.
Comment savoir quels sont ses points forts, ses points faibles? Les maths, le français ? Toutes les matières valident toutes les compétences : c’est l’interdisciplinarité !

Passons au bilan de ces expériences :

La Suisse, le Québec, la Suède, le Danemark… et bien d’autres pays ont tenté l’expérience mais ils en sont aussi revenus. L’utilisation de la note revient, ainsi que l’exigence de recentrer les apprentissages sur des connaissances solides et non les restreindre à 6 vagues compétences interdisciplinaire.

Ce que nous proposons :
Garder les notes « car, dans la vraie vie, des classements s’opèrent, et l’École, dont les notes n’ont pas lieu d’être vécues comme des sanctions, puisqu’elles reconnaissent le mérite, doit permettre, par l’acquisition des savoirs, la progression de tous, selon les capacités de chacun, et sans leurrer personne. » communiqué du FN du 24 Juin 2014.
Garder les notes car la note reste un langage clair entre enseignants et parents. Et que, dans la préoccupation commune de l’intérêt de l’enfant, nous devons préserver ce lien déjà si durement attaqué par de nombreuses réformes de l’école tout aussi saugrenues les unes que les autres.

Et pour finir, je vous dirais juste que supprimer les notes, c’est laisser nos enfants dans l’autosatisfaction, c’est les empêcher de rentrer dans le monde des adultes, c’est les laisser devenir des enfants rois incapables d’efforts et de travail.

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