Yannick Jaffré, président du Collectif Racine, vient en aide aux Antifas Anonymes

Yannick Jaffré, président du Collectif Racine, vient en aide aux Antifas Anonymes

 

(En réaction à l’article  « Le Collectif Racine, bras armé de Marine Le Pen dans l’Education Nationale »)

 

Il fallait bien qu’un jour la nerveuse, la fragile population « antifa » qui prospère sur le net m’offre l’occasion d’une action caritative. Hébergé par l’un de ces nombreux sites dédiés au péril brun qui menacerait la France, Vigilances Initiatives Antifascistes Syndicales (sic), un anonyme en détresse consacrait voici peu un copieux libelle au Collectif Racine  – http://www.visa-isa.org/node/25494

S’il a provoqué ma compassion, c’est qu’il surnage dans l’épais océan de la littérature « antifa » comme un texte à peu près correctement rédigé. En outre, exalté de combattre, de « vigiler », d’alerter, l’auteur ne caricature pas toujours le propos du méchant – moi en l’occurrence. Et il atteint presque par endroits le pallier de la doctrine. Bref, c’est l’élite du genre !

Mais notre anonyme demeure affligé de tous les symptômes « antifas » : rationalisation fantasmagorique, culture précaire, logique forcée, lourdes injections de moraline. Il faut y ajouter une paranoïa fréquente chez ces « résistants » sans doute effrayés par la présence massive de la Gestapo et de la Milice dans les rues de France, qui conduit celui-ci à ne pas signer son gros tract. Mû par un esprit de réconciliation nationale, je voudrais aider les Antifas Anonymes (AA) à sortir de leurs cauchemars.

Je tire surtout de ce pensum le seul parti qui vaille : reprendre et clarifier encore mes positions en direction du public. Ayant de mon côté pris l’imprudente habitude de signer mes textes et de revendiquer mes discours publics, je réponds à cet article en mon nom propre puisqu’il s’appuie principalement sur le débat qui m’a opposé à Jean-Noël Dumont le 9 février dernier à Lyon. La vidéo de cette réunion est consultable sur notre site, ainsi que le texte de mon intervention liminaire. Laissant le lecteur s’y reporter, je ne le fatiguerai pas en reprenant toutes les objections de l’AA. Je me concentre sur celles qui me permettent d’aborder l’essentiel.

 

Liberté des références

 

Anonyme remarque qu’au cours de mon allocution je cite Maurras, Péguy et le « nazi Carl Schmitt ». Il omet de rappeler – mais le sait-il seulement ? – que Péguy fut socialiste républicain autant que catholique mystique. De même évite-il soigneusement d’indiquer que je cite  aussi Jean-Claude Michéa, lequel instruit d’un point de vue socialiste une impitoyable critique de la gauche libérale-sociétale (dont l’antifascisme sans fascisme labellisé AA n’est que la pointe hystérique). Plus au fond des choses, l’époque impose à qui veut la comprendre une liberté bibliographique totale. A l’heure où les vieux clivages s’effacent, où les vieilles partitions éclatent, les doctrines statiques sont condamnées. S’il m’est permis de quitter un instant la casquette de président du Collectif Racine,  j’informe le lecteur que je fais paraître à la fin de ce mois un livre, Vladimir Bonaparte Poutine, Essai sur la naissance des républiques (aux éditions Perspectives libres), dans lequel je crois avoir mis cette mobilité intellectuelle au service d’une pensée patriote, souverainiste et sociale. Tocqueville y côtoie Marx, Jaurès Péguy et Léo Strauss Carl Schmitt en effet (dont on peut rappeler qu’il figure parmi les nombreux intellectuels allemands de l’époque à avoir frayé avec le nazisme, à condition d’ajouter qu’il est un théoricien majeur des relations entre le politique et le droit, étudié dans le monde entier). Antifa ! Soulève tes chaînes et rentre dans la bibliothèque universelle! On n’y discrimine personne à l’entrée…

 

Attachement au public

 

Notre « vigilant » prétend que j’aurais « passé l’essentiel de mon temps » à me trouver avec Jean-Noël Dumont, partisan de l’enseignement libre, des points d’accords fondamentaux. Que le lecteur visionne le film du débat pour mesurer le fossé qui sépare mes conceptions des vues de mon interlocuteur qui, et je l’en salue, les a poussées avec probité jusqu’à leurs dernières conséquences. Généralement étranger à cette culture de l’honnêteté intellectuelle, Anonyme doit tout de même remarquer que je m’oppose au « chèque éducation » dont j’affirme, observe-t-il à raison, que la généralisation menacerait le « socle national ». C’est en effet là une position fondamentale du Collectif Racine. Profondément attaché au caractère public de l’instruction, il y voit l’une des forges d’unité de la nation française. Et si je rappelle amicalement à mon adversaire du jour qu’il devrait mieux hiérarchiser ses ennemis, c’est que la défense du catholicisme à laquelle il se consacre serait elle-même compromise par le chèque éducation. Libéral, multiculturaliste, anglo-américain, ce dispositif aggraverait en effet le communautarisme ethno-confessionnel qui, alimenté depuis quarante par une immigration massive, morcelle notre pays chaque décennie davantage. Je ne veux pas croire que les antifas défendent le modèle de l’Oncle Sam… Mais qu’ils fassent d’urgence un effort pour être vraiment républicains !

 

Défense du corps historique de la France

 

Dans l’esprit étroit de mon contempteur, affirmer la place spéciale du catholicisme en France contredirait le principe de laïcité. (Il est piquant d’observer que la frange conservatrice libérale des catholiques « tradis », celle qui regarde vers les États-Unis, considère de même, mais en sens inverse, que la laïcité en tant que telle serait l’ennemie du catholicisme.) Or, la laïcité comme règle de droit provient d’une histoire dans laquelle le catholicisme occupe un chapitre éminent – que les antifas le veuillent ou non. Ernest Renan nous a appris qu’une nation est à la fois un « legs de souvenirs » et un « plébiscite de chaque jour », une généalogie partagée et une volonté actuelle, que la Règle et l’Histoire, la Loi et l’Identité, l’Universel et le Particulier s’entrelacent et se nourrissent les uns les autres dans un destin national singulier. Rappelant dans mon intervention que le « catholicisme, c’est la France », j’ajoutais immédiatement que « la France, ce n’est pas seulement le catholicisme ». A mes yeux, il ne se contente pas de « composer avec d’autres dimensions » de l’identité française, il en est étroitement solidaire. J’estime ainsi que les mœurs « gauloises », l’héritage gréco-romain, la culture de l’État si particulière de la France, protègent plus sûrement les catholiques du nihilisme marchand contemporain qu’un hypothétique « front des croyants ». Remontant les sources éthiques de la France, je vois en effet la « pudeur catholique » (en quoi d’ailleurs la révocation de l’Édit de Nantes, décision politique, réfuterait son existence ?) croiser la « rigueur républicaine » et les « vertus ouvrières ». Ces vertus sont bien pour moi, que mon critique s’en avise, celles de la dignité du travail, de la justice virile, de la solidarité concrète. Et elles se situent à des années lumières des humeurs qui agitent les antifascistes théâtraux !

 

Laïcité et communautarisme

 

La laïcité est ainsi une règle de droit qui émane d’une histoire particulière. Bien plus qu’un instrument juridique qui découperait de pures formes sur une table rase, elle est pour la France une  fondation de paix civile. Au terme donc d’une histoire mouvementée et violente dont l’école fut le dernier théâtre, catholiques et républicains ont passé un compromis historique. La loi Debré de 1959 en est le dernier acte dans le domaine scolaire, définissant les périmètres des secteurs publics, privés sous contrat et hors contrat. A la différence de Jean-Noël Dumont, partisan d’une libéralisation totale du système, je considère ce dispositif satisfaisant en l’état. Je répète qu’il protège, avec l’esprit républicain, les catholiques eux-mêmes. Du point de vue inverse, et pour dire les choses telles qu’elles sont sans formalisme juridique : ce n’est pas aujourd’hui le catholicisme qui menace le pacte laïc français mais, à l’évidence, les communautaristes confessionnels juifs et musulmans. Que tous leurs coreligionnaires ne partagent pas une telle volonté théocratique, c’est un fait. Mais c’est une autre certitude que les principes républicains deviennent abstraits s’ils n’affrontent les réalités. Pas de jaloux toutefois parmi les ennemis de la laïcité : si demain le chamanisme devait mener contre la république une offensive de grande envergure, organiser des prières de rue, faire pression sur les autorités, exercer un chantage symbolique constant, il trouverait devant lui les patriotes républicains plus fermes qu’aucun « antifa » pour défendre la paix laïque dans l’identité française !

 

Du soutien en histoire pour les antifas anonymes!

 

Je suis presque gêné d’avoir à rappeler à mon objecteur que si Thiers est en effet généralement présenté comme le « massacreur de la commune », Jules Ferry, qu’il tient dans une estime étonnante pour un « antifa », logeait aussi à Versailles pendant les événements. En l’état actuel de nos connaissances du moins, celui que les Communards avaient surnommé « Ferry-Famine » ne paraît pas avoir fait rempart de son corps devant les troupes qui allaient s’abattre sur Paris pour y perpétrer la « Semaine sanglante ». Jules Ferry haït la Commune, défendit la Colonisation, fonda l’École républicaine – voilà des contrastes qui devraient enseigner à l’extrême gauche bien-pensante que l’histoire n’est pas un conte manichéen, que, complexe et tragique, elle ressemble à Antigone ou à Horace plutôt qu’à Star Wars. Elle doit en outre être respectée dans son ordre, les faits ayant le fâcheux défaut d’être têtus. Ainsi Anonyme affirme-t-il étrangement que « c’est le général de Gaulle qui a mis fin à l’école de Jules Ferry » et bientôt, peut-être, qu’il a créé le collège unique sous Giscard ! Allez les AA, à la bibliothèque !

 

Un bon point !

 

Mais il arrive à notre analyste de tomber juste : « la pédagogie, le laxisme moral et la violence, la « dénationalisation » de l’école, l’égalitarisme et la dévalorisation des disciplines ne sont plus des maux définissant l’école publique [à l’inverse de la conception conservatrice libérale que j’évoquais plus haut] mais au contraire visent à la détruire. » Bravo !

 

Une question de fait

 

Anonyme me cherchant des poux dans la tête en relevant ce qu’il croit être une erreur dans la plaquette que j’ai rédigée pour les candidats patriotes aux élections municipales (http://www.collectifracine.fr/?p=797), je le corrige. Jusqu’à la réforme des rythmes scolaires qui en augmente massivement le nombre, les intervenants péri-scolaires étaient (aux termes de la circulaire n° 92-196 du 3 juillet 1992, annexe 1b) agréés par l’Inspecteur de l’éducation nationale (IEN). La mairie pouvait les proposer aux conseils d’école qui, généralement, se chargeaient eux-mêmes de les trouver ; selon son importance, la municipalité doit aujourd’hui recruter ces intervenants en telles proportions que, dans les grandes villes surtout, elle les homologue de fait. Au plan des principes, Anonyme arpente ses limites intellectuelles quand il affirme que cette plaquette, « municipalisant » l’école, contredirait la volonté générale du Collectif Racine de recentraliser le système scolaire. C’est n’importe quoi, tout simplement. Les trois mesures qu’elle préconise se tiennent en effet dans le strict périmètre des compétences municipales, proposant seulement d’y faire varier le climat idéologique diffusé dans le péri-scolaire – De l’étude plutôt que du Djembé ! Et, par ailleurs, laïcité à la cantine ! Nulle part il n’y est fait mention des programmes, qui sont de la compétence exclusive du ministère.

 

Et un naufrage…

 

Anonyme ne comprend rien non plus à l’application que je fais du cycle du don thématisé par Marcel Mauss. Je passerai par charité sur l’imputation de totalitarisme : « l’individu doit se donner à l’État dont il reçoit l’instruction et à qui il devra rendre ce qu’il a appris. » Qui sait voir comprend que les courtisans de Beaumarchais sont aujourd’hui les prédateurs d’en haut et d’en bas, les traders et les racailles, les oligarques et les fraudeurs, qui prennent et reçoivent sans estimer rien devoir. Ce ne sont évidemment pas les citoyens que je voudrais spolier des droits sociaux de la Libération. Je rappelle qu’ils furent instaurés par De Gaulle et les communistes orthodoxes. J’ai pour les défendre contre les libéraux qui veulent les détruire, les profiteurs qui les minent, les antifas qui servent les premiers en flattant les seconds, les réflexes d’un fils du peuple qui sait que la France ne doit pas une seule loi sociale aux gauchistes…

 

Méthodes et idéologies

 

Concernant les méthodes d’enseignement, oui, je récuse en bloc le pédagogisme issu de Freinet, Montessori et consorts. Que ses bases théoriques soient pour certaines antérieures au « joli mois de mai » ne change rien au fait que c’est à partir de 68 qu’il investit l’institution. Elle allait être dominée jusqu’à aujourd’hui par cette idéologie libérale-libertaire. Quant aux préconisations d’Anonyme, elles sont connues, convenues et non avenues : nous savons trop bien ce qu’il en coûte de « laisser libre cours à la recherche et à l’expérimentation » en s’appuyant sur la prétendue « diversité des élèves ». En plus des résultats désastreux auxquels aboutissent implacablement ces démarches niaises et irresponsables, elles diffusent en pratique une atmosphère d’« oppression libertaire » qu’ont respirée ceux qui, et j’en fus, ont enduré les IUFM. Combien de jeunes professeurs ont pâti dans leur moral et leur goût d’enseigner de ce totalitarisme mou portés par des dépressifs-agressifs dont la voix doucereuse, les tenues « développement solidaire », les attitudes « psys » et les tupperware « bios » ne doivent pas faire oublier la profonde méchanceté ?

 

Valeurs et savoirs

 

Aux antipodes d’un tel univers, je plaide en effet pour les valeurs du savoir. Elles se développent quand on réduit a minima la part de l’idéologie dans l’enseignement. Anonyme indique à juste titre que je sépare rigoureusement instruction et éducation, mais c’est pour prétendre que je voudrais enrégimenter les professeurs. Il n’en est rien. Alors que les pédagogistes soumettent les savoirs à leurs préférences idéologiques, je souhaite contribuer à  rétablir leur souveraineté. C’est à travers eux que l’école éduque. Comme ils ne sont pas neutres en littérature, en histoire et en philosophie, j’affiche la couleur en encourageant les humanités classiques et l’histoire nationale. Rien de plus, rien de moins. Quant aux valeurs éthiques que l’école devrait préserver, je ne sache pas que la théorie du genre promeuve aucune common decency – le sens de ce qui se fait et ne se fait pas, que George Orwell voyait plus répandu chez les gens du peuple que parmi les intellectuels « d’avant-garde ». Cette théorie est bien plutôt l’apanage d’oligarques qui, pliant la société à l’arbitraire de leurs conceptions, veulent l’écraser sous le narcissisme de leurs existences. Voir Pierre Bergé…

 

L’enseignement professionnel, mère de toutes les batailles !

 

La proportion de bacheliers généraux est stable depuis vingt ans, souligne Anonyme. Certes. C’est qu’elle est trop élevée depuis vingt ans. Au poncif bourdieusien selon lequel je voudrais réduire leur nombre pour rétablir une « connivence sociale », j’oppose la sympathie authentiquement républicaine qui règne entre un professeur et ses élèves, d’où qu’ils viennent, quand le premier veut enseigner et les seconds apprendre. Quant à l’enseignement professionnel, on ne le revalorisera qu’en tenant les deux bouts de l’arc. Dans les conditions nouvelles créées par la suppression du collège unique, on prévoirait un cycle d’apprentissage de 14 à 16 ans. Il serait ouvert aux élèves qui, soit par volonté propre, soit faute d’un niveau suffisant, ne souhaiteraient ou ne pourraient continuer dans la filière générale. Des passerelles leur permettraient de réintégrer les filières générales et techniques. On conserverait un cycle moyen correspondant aux actuels bacs professionnels, mais de 14 à 17 ans. On créerait enfin un cycle professionnel supérieur plus long, de 14 à 18 ans, avec classes préparatoires spécifiques ouvrant accès à des écoles et grandes écoles des métiers. Ce sont là des pistes, des orientations. Il faudra bien entendu articuler un tel dispositif avec l’existant. Le Collectif Racine y travaille à l’horizon 2017. Mais je dois rectifier Anonyme une nouvelle fois : les écoles des métiers ne sont pas les écoles d’ingénieurs, à vocation scientifique. De l’artisanat d’arts aux arts appliqués en passant par les métiers de bouche, il s’agit bien de valoriser les savoir-faire qui, patrimoine de la France, font aussi une part essentielle de sa force économique.

 

L’inévitable point Godwin

 

Renvoyer son adversaire « aux-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire », c’est la grande addiction des AA. Une « quenelle » surdimensionnée leur a encore fait atteindre ce fameux point Godwin. Au moment de « l’affaire Dieudonné », j’avais rédigé un communiqué (http://www.collectifracine.fr/?p=764) dans lequel, déplorant l’installation d’un climat liberticide, je jugeais ridicule autant que disproportionnée l’exclusion de deux élèves coupables de s’être pris en « photo-quenelle ». Comme Florian Philippot l’a récemment reproché à Manuel Valls lors d’un face à face télévisuel, prétendre que la France serait prise d’un accès d’antisémitisme endémique relève d’une dangereuse, d’une irresponsable manipulation politique. Quand Anonyme me prête ses obsessions en prétendant que je comparerais (subliminalement?) les deux exclus aux enfants déportés du Vel’ d’Hiv ‘, c’est l’hôpital, vraiment, qui se moque de la charité ! Quant à la sagacité ici à l’œuvre… Les AA communient en l’espèce avec la Licra et le Crif (chacun sachant qu’elles occupent l’avant-garde de la révolution sociale) dans l’agitation hystérique d’un spectre d’où ils tirent tous leur sentiment d’exister. Je suis pour ma part éternellement attaché à la raison cartésienne, quand même !

 

Un commentaire on "Yannick Jaffré, président du Collectif Racine, vient en aide aux Antifas Anonymes"

  • Rozec dominique dit

    Bravo et bien vu!!
    Dominique Rozec