Tribune de Daniel Philippot, vice-pdt de Racine : « La reprise de l’école en mai : une véritable usine à gaz ! »

Tribune de Daniel Philippot, vice-pdt de Racine : « La reprise de l’école en mai : une véritable usine à gaz ! »

 

La reprise de l’école en mai : une véritable usine à gaz !

 

Parents, enseignants, il vous faut oublier les précédentes communications gouvernementales. Le 13 avril, Emmanuel Macron avait annoncé une reprise progressive de l’école. La rentrée scolaire aurait lieu le 11 mai pour les GS, CP et CM2 à l’école.

Le 28 avril, le Premier ministre annonce une reprise généralisée de l’école primaire pour toutes les classes maternelles et élémentaires.

Mais cette dernière annonce qui semble claire et simple cache dans ses détails une véritable usine à gaz…

Le ministre de l’Education nationale précise qu’il appartiendra aux enseignants, inspecteurs et maires de déterminer l’organisation de cette rentrée. Il est impératif de respecter les consignes sanitaires nationales (flux de circulation, distanciation, échelonnement des entrées et sorties…). Mais, ajoute-t-il, il conviendra de faire preuve de « bienveillance, bon sens et pragmatisme ». Ainsi, les enseignants dont la santé présente un risque lié au Covid-19 ou ayant une personne vulnérable dans leur entourage resteront chez eux et seront chargés de l’enseignement à distance pour les élèves non présents. Ces mesures de « bienveillance et de bon sens » vaudront pour les enfants.

La pré-rentrée des enseignants se déroulera le 11 mai et éventuellement le 12 si nécessaire en fonction de l’état de préparation des locaux. La rentrée des élèves aura donc lieu le 12 ou le 14 mai. Elle concernera l’ensemble des niveaux de la petite section au CM2 pour les élèves « volontaires ».

Les temps d’enseignement seront concentrés sur les fondamentaux (français, mathématiques). Afin de respecter le protocole sanitaire, les enfants seront accueillis par groupes de 15 maximum et par alternance :

Diverses possibilités peuvent être envisagées :

  • 1 jour le groupe A / 1 jour le groupe B (un jour sur deux)
  • 2 jours de suite le groupe A / 2 jours le groupe B (deux jours par semaine)
  • 1 semaine le groupe A / 1 semaine le groupe B (une semaine sur deux)
  • 1 groupe avec un enseignant et 1 groupe « en étude » avec un autre adulte (agent municipal selon les possibilités des communes dans l’école ou dans un local à proximité)

On imagine sans peine la difficulté des communes à pourvoir les écoles en locaux supplémentaires et en personnel suffisant. De nombreux maires ont déjà fait connaître leur volonté de ne pas ouvrir les établissements scolaires de leur commune. Quelle sera la réaction du Préfet ?

Le groupe « en étude » ne sera-t-il pas plutôt en garderie ? Et que feront les parents qui ont plusieurs jeunes enfants qui ne pourront tous être accueillis à l’école les mêmes jours ?

Puisque la classe fonctionnera par demi-groupe, il faudra aussi accueillir les enfants des personnels soignants, forces de l’ordre ou enseignants même s’ils ne sont pas dans les niveaux adéquats certains jours de la semaine… et espérer que des professeurs ne soient pas obligés de s’absenter pour maladie.

Pour les élèves non présents, du travail devra être donné à distance pour continuer à les faire travailler. Les professeurs des écoles qui seront dans l’obligation de rester chez eux prendront en charge l’enseignement à distance. Devront-ils probablement s’occuper de tous les niveaux d’enseignement ? Si tel est le cas, si l’on veut « personnaliser le parcours de chaque élève » comme le souhaite Jean-Michel Blanquer, il faudra alors trouver du temps de concertation avec leurs collègues au travail à l’école.

Les enseignants présents en classe auront-ils une double ou triple journée de travail ? En présence du groupe classe, en suivi de l’enseignement à distance et en concertation avec les professeurs confinés chez eux ?

La prise de repas à l’école exige également une organisation spécifique. Là encore, il faudra tenir compte des particularités locales :

  • utiliser la cantine si elle permet de respecter les obligations sanitaires
  • livrer les repas dans la classe
  • apporter son repas et le consommer dans la classe

Les collèges ouvriront leurs portes aux élèves de 6ème et 5ème mais uniquement dans les départements « verts »… L’accueil des 4ème et 3ème se fera en fonction de l’évolution de l’épidémie. Dans l’intervalle, l’enseignement à distance sera prolongé.

Les lycées pourraient rouvrir le 4 juin si la situation sanitaire le permet. Le sujet est plus spécifique pour les lycées professionnels où l’on compte le plus de « décrochages » scolaires.

L’épreuve d’oral de français en fin de 1ère est maintenue pour l’instant car les élèves n’ont pas de référence en note de contrôle continu. Si l’épidémie s’aggrave, une note de contrôle continu sera attribuée en remplacement de cette épreuve. Comprenne qui pourra…

Début avril, le ministère annonçait entre 5 et 8% de décrocheurs… Ce matin, JM Blanquer évoque une moyenne de 4%. « 4%, c’est beaucoup moins que dans les pays voisins. Bien sûr, c’est une moyenne, nous en avons un peu plus dans certains territoires. » poursuit-il. N’a-t-il pas entendu de nombreux professeurs parler de 40% d’élèves dont ils n’ont plus de nouvelles depuis mars ?

Fier de ce résultat, le ministre annonce la mise en place de soutien scolaire durant l’été sous forme de « colonies de vacances » qui tiendront lieu de « vacances apprenantes ».

Conseillons aux gentils organisateurs de ne pas oublier d’emporter un « référentiel bondissant à la trajectoire aléatoire » (ballon de rugby) pour les « activités psychomotriciennes » (activités sportives). Il ne faudrait pas que trop de « formations en mode présentiel » (cours) ne détournent les « apprenants » (élèves) de leur « transmetteur pédagogique » (professeur)…

Personne n’est dupe. L’ouverture de l’école sert de prétexte à la reprise de l’économie en permettant de libérer les parents. Il est d’ailleurs significatif que le retour en classe ne concerne que les enfants les plus jeunes, ceux qui ne peuvent rester seuls à la maison. Les lycéens et les étudiants sont assez grands pour rester autonomes chez eux.

Qui pourrait croire à l’efficacité d’un enseignement dispensé dans de telles conditions, par rotation des effectifs avec uniquement des élèves volontaires, après un arrêt aussi long ? Seules comptent les considérations économiques. Les belles paroles ministérielles ne sont que poudre aux yeux. Malgré le dévouement et la qualité du travail des enseignants, la continuité pédagogique ne sera qu’un leurre.

On peut d’ailleurs légitimement se demander si les parents seront nombreux à remettre leur enfant à l’école le jour où le ministre de la Santé Olivier Véran déclare avoir reçu une alerte « de la part d’équipes parisiennes », lui indiquant qu’en France, « une quinzaine d’enfants présentent des symptômes de fièvres, digestifs et un syndrome inflammatoire vasculaire assez général qui peut provoquer une défaillance cardiaque. Certains [de ces] enfants, en France et en Angleterre, se sont révélés porteurs du coronavirus ».

Aussi, parce qu’il estime dangereuse, inutile et irresponsable la décision gouvernementale d’ouvrir les établissements dans de telles conditions, comme d’autres partis d’opposition, le mouvement « Les Patriotes » et l’association affiliée «  Racine – les enseignants patriotes » recommandent aux familles de ne pas prendre le risque de remettre leurs enfants à l’école le 12 mai.

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