par Alexandre Liéthard
Nous ne le répéterons jamais assez : l’enseignant d’aujourd’hui ne retrouvera jamais la considération, et oserais-je dire, le rayonnement dont il jouissait jadis tant qu’il ne sera pas soutenu par un appareil de textes officiels favorisant ses intérêts et son bon droit en cas de litige ou d’ atteinte grave à son intégrité, et dont l’application se devra d’être systématique et intelligemment orientée.
Or, que sommes-nous contraints de constater à l’heure actuelle ? Ni plus ni moins qu’un laxisme qui reprend toujours le dessus, s’appuyant sur des pratiques contradictoires qui finissent irrémédiablement par desservir le professeur dans ses tentatives de faire valoir droits et devoirs dans un équilibre bien compris, et d’assurer sa défense quand son honneur est atteint.
Rien ne vaut un exemple concret pour exprimer comment cette cuisine complexe généralement mal dosée vient miner le quotidien de nombre d’enseignants, qui, ne trouvant pas gain de cause, en sont réduits à abdiquer tout volontarisme et toute autorité, se retrouvant à la merci d’élèves assurés de leur impunité. Première étape avant la maison de repos, ou pire…
Dans le collège où j’enseigne, en banlieue dite « sensible », s’est déroulée ce jour une drôle de réunion avec les représentants d’un syndicat, venus à la demande de professeurs au bord de la crise de nerfs. L’ un deux s’est fait insulter de « fils de pute », l’auteur de ces propos fleuris écopant d’une simple demi-journée d’exclusion-inclusion. La raison en est simple : en l’absence d’un code de l’éducation proposant des sanctions proportionnées à la faute commise, les chefs d’établissement, sur injonction de leur hiérarchie, ne déclenchent pas de conseils de discipline, et, comble du comble, invitent le professeur outragé à déposer plainte au commissariat, la loi interne aux écoles s’alignant sur le fonctionnement pénal général. Je vous laisse aisément deviner l’aboutissement d’une telle plainte au regard des conditions de travail que connaissent présentement les forces de l’ordre. Une vraie démonstration de fermeté exigerait de coller un élève ayant proféré des insultes au minimum une fois par semaine sur la totalité de l’ année. Les quelques professeurs qui s’ y risquent encore sans prévenir personne savent ce qui peut leur en coûter. C’est à pleurer, lorsque l’on sait que certains collèges ou lycées de banlieue parisienne échappent à cette logique de sape, parce que les chefs d’établissement concernés ont le courage de frapper fort dès le début d’année en prononçant quatre ou cinq exclusions définitives pour bagarres, menaces ou insultes. Ces vrais chefs honorent leur fonction, et nous prouvent qu’il est possible pour eux d’oublier le pire de leur formation perverse et contraire à la mission de service public de l’Education Nationale, sortis qu’ ils sont du même moule qu’un dirigeant de multinationales, et surtout possible de faire fi de leurs ambitions de carrière et des ordres aveugles reçus d’en haut. L’école de la République n’a pas vocation à servir de tremplin vers les postes planqués des rectorats et du ministère. La priorité reste l’ accompagnement et le soutien du corps professoral en toutes circonstances. C’est un métier radicalement différent. Que cela soit entendu fort et clair.
Afin de contrer ce malheureux état de faits, une solution efficace à mon avis s’impose : il faut, dans chaque établissement, retravailler en profondeur le règlement intérieur, pour qu’à long terme, un texte présentant toute satisfaction soit soumis à l’ensemble des établissements du territoire. Pour cela, il faut étayer le contenu caché derrière certaines formulations volontairement vagues. Ce n’est que rarement observable.
Je prends un exemple précis : comment qualifier une « agression verbale » ? A partir de quel seuil peut-on considérer qu’il y a agression ? Un élève me répond sur un ton inapproprié, et je me considère agressé. Fort saine réaction ! Oui, mais si le conseil d’administration en charge de la validation dudit règlement ne le précise pas dans le détail des cas d’ agression, le professeur se retrouve en position de faiblesse, et se fera débouter. Idem lorsqu’il s’agit de déterminer les limites comprises dans la formule « perturbation systématique du cours ». Cela mérite un travail approfondi, qu’une réunion du CA autorise. Les sanctions à opposer pourront aller jusqu’aux travaux d’intérêt général, et je ne parle pas de balayer les feuilles mortes dans la cour de récréation…Je pense que c’est dans cette obsession du détail que repose une des clefs de la dignité retrouvée chez le professeur. Cela suppose aussi d’entrer dans un rapport de forces épuisant avec les équipes dirigeantes. C’est le prix à payer pour recouvrer dans nos murs, petit à petit, un climat serein et propice au travail véritable.
Il me faut terminer par la mention des réactions que suscita cette table ronde : beaucoup de professeurs, certains bien plus expérimentés que moi, sont à ma grande surprise tombés des nues devant ces injustices permanentes qui leur étaient infligées, comme s’ils réalisaient soudain la soumission par l’infantilisation dont ils sont victimes, et qui seule permet à notre hiérarchie de se maintenir debout, le tout dans un incessant et écoeurant manège de pseudo-conciliation démocratique destiné uniquement à acheter la paix sociale avec les parents d’élève, et ce particulièrement dans un milieu social et culturel sacrifié depuis des décennies. Un règne du consensus mollasson, pour faire court.
L’un deux même ajouta, dans un grand élan de naïveté presque touchante, qu’il fallait craindre le comportement de nos adolescents en dehors de l’enceinte scolaire si les insultes n’étaient pas sévèrement réprimées. Que ce collègue se rassure : il y a belle lurette que sa crainte s’est transformée en coutume durable. Il y a quelques jours encore, j’ai été témoin d’une altercation entre un groupe de gendarmes et une bande de jeunes gens qui entendaient prendre le train sans payer leur ticket. La discussion fut d’abord musclée, le verbe était haut perché, puis les rires et les plaisanteries bon enfant sont progressivement venus s’y substituer. Nos chers amis ont finalement été invités à monter dans le train sans s’être acquittés de leur dû, après quoi ils ont perturbé le trajet jusqu’au terminus en vociférant et bousculant les usagers.
A tous les professeurs qui réalisent leur absurde condition, je lance cet appel : qu’attendez-vous pour vous défaire de l’idéologie dominante qui ne vous apporte que contrariétés et déceptions ? Qu’attendez-vous pour vous réapproprier ce qui faisait le prix, la valeur de notre métier ? Si tous ensemble nous faisons face, la profession retrouvera son visage authentique, celui de la construction de l’identité par le savoir et l’instruction, qui en fait la plus haute et la plus noble des activités humaines.
J’ai enfin trouve »chaussure à mon pied ! »
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Je suis également enseignant en lycée technologique,et je viens de faire l’objet d’une mutation pour carte scolaire ,et j’enseigne comme »prof. de techno » en collège ! . Quel choc, j’ai eu l’impression d’arriver sur une autre planète ! Il est absolument impératif et urgent de faire tomber ce gouvernement » collabo » de l’oligarchie mondialiste ! Je croyais que depuis des années ,le dogme de gauche avait disparu, mais le voilà de retour sous forme fascisante et dictatorial . À bientôt de vous lire !