Conférence de presse de rentrée 2013 de Vincent… par EducationFrance
Le Collectif Racine vient de prêter une attention toute particulière à la conférence de presse de rentrée des ministres Peillon et Pau-Langevin, diffusée en direct, ce matin, sur le site internet du ministère.
Il souscrit entièrement à l’objectif affiché par le ministre de l’Éducation nationale dans sa déclaration liminaire : « la refondation du système scolaire, c’est lutter contre les inégalités ; ainsi qu’au constat dont il l’assortit : « inégalités que le système non seulement reproduit, mais accroît ».
Mais, sachant qu’on a toujours tort de se laisser payer de mots, le Collectif Racine examinera dans le détail cette prétendue « rentrée de la refondation ». La conférence de ce jour permet d’en dégager les orientations principales.
Par-delà des formules en apparence volontaristes, mais en réalité, il faut bien le dire, creuses et convenues, il apparaît qu’elles vont exactement à l’encontre de leur but revendiqué : lutter, donc, contre les inégalités. Faute, selon nous, d’une volonté réelle, faute de poser avec rigueur les problèmes de fond et de s’y confronter réellement, faute, enfin, de redonner aux mots – égalité, laïcité, sélection, formation, république – leur sens rigoureux.
D’une manière générale, comme nous le soulignions dans l’analyse que nous proposions de la « loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République », l’approche du ministre est essentiellement quantitative.
L’accent est donc mis sur la création de postes d’enseignants, sur le réaménagement des rythmes scolaire, sur le développement de l’outil informatique. Et rien n’est dit sur les méthodes ni sur les contenus d’enseignement. Le projet de « revoir l’ensemble des programmes » est annoncé sans plus de précision. Il y a tout lieu de craindre, expérience faite, qu’il ne conduise vers un nivellement par le bas. Une fois de plus. L’ensemble de la conférence alimente cette inquiétude
Comme les sociaux-libéraux de gauche en sont coutumiers, la lutte contre les inégalités est abordée sous l’angle exclusif d’une offre institutionnelle dont on augmente la quantité, pas la qualité. Plus de professeurs que d’élèves dans le primaire, des activités périscolaires gratuites rendues possibles, d’après le ministre, par le changement des rythmes scolaires, des auxiliaires de vie scolaire (AVS) embauchés en CDI… Rien n’est refusé aux élèves et aux familles, sans que rien de plus ne soit exigé d’eux.
Or, offrir l’instruction, ce doit être en même temps exiger le respect de l’institution, le sens de l’effort, la rigueur intellectuelle et morale. Le Collectif Racine n’est pas convaincu qu’offrir aux élèves socialement défavorisés, à travers des allocations supportées par le budget de l’État, des activités périscolaires gratuites, soit une mesure souhaitable. Que l’école mette en place ce type d’activité en fin d’après-midi, et à moyens constants, mais qu’elle se concentre, surtout, sur sa mission première, instruire. Quand on retire du temps d’enseignement aux élèves au profit d’heures de garderie, c’est aux plus fragiles qu’on fait un mauvais cadeau.
Dans le même esprit, le ministre prétend réduire les inégalités sans cette sélection qu’il assimile à un « tri ». C’est en réalité le refus de départager sur critères scolaires qui aggrave la sélection sur critère sociaux. Quand le ministre dit, au début de son allocution, que le « bon élève ne réussit pas contre les autres », il fait teinter la corde sensible de « l’exclusion ». Il suggère en réalité que tous les élèves doivent être maintenus le plus tard possible, quels que soient leur niveau et leur comportement, dans les filières générales et techniques. Or, c’est un triste constat que font des milliers d’enseignants : certains élèves échouent contre les autres, et contre eux-mêmes, en faisant baisser le rythme des cours, leur niveau même, et la qualité de l’attention générale. Seules des mesures fermes, républicaines au sens véritable, sont de nature à rétablir la paix qui est le climat naturel de l’étude. Ceux qui la troublent doivent, selon leur âge, être pris en charge, réorientés, placés dans des classes spécialisées et, le cas échéant, une fois que l’obligation scolaire aura été atteinte, exclus de l’institution. Rien n’est pire, en tout état de cause, que le mensonge consistant à maintenir un élève dans les filières générales, ou même dans l’école tout court, alors qu’il n’en a ni le niveau ni la volonté.
Cette voie de la clarté, de la rigueur et de la loyauté de l’institution à l’égard des élèves n’est manifestement pas empruntée par le ministère puisque, aux termes de la déléguée George Pau-Langevin, il lance à l’égard des élèves absentéistes une « politique de bienveillance ». Il n’y a rien là qui doive surprendre, sinon tout de même la remarquable constance de cette gauche-là dans l’angélisme. Elle veut se convaincre qu’un élève cesse de venir à l’école parce que l’école manquerait à son égard d’attention, de compréhension, de bienveillance. Or chacun sait ou devrait savoir que l’absentéisme est souvent lié à une défaillance des familles, à une dérive vers la délinquance, à la prise de stupéfiants, voire, il faut le dire, à la pure et simple paresse. Il faut bien entendu distinguer entre les âges : l’absentéisme d’un collégien n’a pas la même signification, ni la même gravité, que celle d’un lycéen. Que l’école fasse en matière sociale tout ce qu’elle peut, mais seulement ce qu’elle peut, sans jamais dévier de ce qu’elle doit ― instruire. Le Collectif Racine plaide en ce domaine comme en tous pour une politique de la responsabilité.
Quant au recrutement et à la formation des enseignants, le ministère veut convaincre, toujours dans la même veine, que faciliter l’accès à la carrière est un facteur de progrès. Alors que la crise des vocations est profonde, il y répond en faisant encore baisser le niveau. Si le Collectif Racine n’est pas en soi opposé à ce que les étudiants puissent présenter le Capes à la fin du Master 1, il s’interroge sur le niveau actuel du recrutement (avec un nombre de candidats qui n’est pour certains concours que très faiblement supérieur au nombre de poste à pourvoir), il considère que son relèvement passe par une revalorisation générale, morale et matérielle de la profession, il préconise enfin, à rebours du ministère, que l’année de stage soit concentrée sur l’enseignement de la discipline pour laquelle le professeur a été recruté. Le ministre semble particulièrement fier des nouvelles Ecoles supérieures de l’enseignement et de l’éducation (ESPE), dont il prend soin de préciser qu’elles ne sont pas un avatar des IUFM. Qu’en sera-t-il vraiment ? A consulter leurs sites internet, on s’avise vite que les IUFM font peau-neuve sous les ESPE.
Ainsi la place considérable qu’y prennent les formations dites professionnalisantes (« gérer des situations de crise, transmettre des valeurs, le travail en équipe »), ne fait-elle que prolonger la logique des IUFM et, plus généralement, le mouvement désastreux lancé par la loi d’orientation de 1989. Prétendant adapter le métier aux « réalités », aux « nouveaux publics », à la psychologie et à la sociologie des élèves, ce mouvement en a altéré la substance qui demeure l’enseignement. En participe la volonté constante des ministres successifs de l’Éducation nationale depuis vingt ans, et quelles que soient les majorités politiques, de revenir sur les décrets de 1950. Ceux-ci définissent en effet le professeur par l’acte d’enseigner devant des élèves.
Son intervention du jour le montre encore, Monsieur Peillon maîtrise mal à l’évidence le concept de laïcité. Nulle contrainte, nulle rigueur, nulle mention précise des revendications ethno-religieuses qui la défient, nul primat de la raison, dans l’espace public, sur la foi. Et surtout bien sûr une politique générale qui alimente les partitions communautaires passées, présentes et à venir. Plutôt que d’investir sur l’accueil des enfants « allophones » étrangers, il faudrait lutter contre l’ « allophonie » qui se répand parmi les élèves. Mais cela imposerait, et bien entendu c’est trop pour Monsieur Peillon, de poser la question de l’immigration.
Il semble enfin beaucoup attendre de l’outil numérique. Sans ignorer les applications qui peuvent en être faites, le Collectif Racine considère que rien ne saurait remplacer, à l’époque des flux d’informations, un cours consistant, rigoureux, ordonné, bref, un cours classique. Et, tout autant qu’au savoir, il est attaché à la règle républicaine. Quand on entend Monsieur Peillon et bien d’autres parler de république et de laïcité, on éprouve une impression de vide, au mieux, de défiguration, au pire. Soit la république se réduit ici à un vague « vivre-ensemble » autour de « valeurs » dont les contours sont si vastes qu’on à l’impression que le monde entier pourrait y loger, ce qui est, d’ailleurs, la tendance en cours ; soit elle est clairement marquée par une conception contractualiste, bien-pensante, laxiste, qui n’a qu’un ennemi commun, les vrais républicains patriotes du Rassemblement Bleu Marine.
Au bout du compte, le ministre rend une pâle copie, terne, mais qui, comme toujours la médiocrité, laisse prospérer tous les dangers menaçant l’école de la république.
Comme ça fait du bien de savoir que vous existez et comme ça fait du mal de vous savoir encore si peu !
Mais je m’engage à vous faire connaître même si je dois encore perdre des amis ou ceux que je pensais comme tels.