Réforme du collège et citoyenneté

Réforme du collège et citoyenneté

Réforme du collège et citoyenneté

par les enseignants patriotes de
Seine-Saint-Denis – Collectif Racine

 

  Après les attentats du 11 janvier, dont les deux auteurs, les frères Kouachi, avaient effectué toute leur scolarité dans notre pays, les attentes des enseignants de banlieue, aux premières loges du naufrage de l’Ecole républicaine, étaient légitimement élevées quant à la réforme de l’Ecole, priorité affichée du quinquennat de François Hollande. La déception suscitée par le projet de réforme de l’Ecole (primaire et collège) est donc à la hauteur des attentes. La réforme portée par NVB, et inspirée par les mêmes pédagogistes ringards qui depuis 30 ans, sous les gouvernements UMPS successifs n’ont eu de cesse de déconstruire « scientifiquement » l’acte d’instruire, est à cet égard un total contre-sens.

   Enseignants en Seine-Saint-Denis, confrontés quotidiennement à un échec scolaire massif et pérenne et à une crise de la citoyenneté qui ne l’est pas moins, nous dénonçons une réforme qui ne va qu’accroître encore ces deux maux car elle est l’exacte opposée de ce qu’il aurait fallu faire. Osons-le dire, ce sont les enfants des quartiers populaires que nous côtoyons, et en particulier les jeunes issus de l’immigration, qui seront les premières victimes de cette réforme.

    C’est une évidence le sentiment d’appartenance à une nation, et encore plus la nation française, repose sur deux leviers : la maîtrise de la langue, et l’appropriation et le partage d’une culture commune (qui peut n’être pas exclusive d’une autre culture), elle-même porteuse de valeurs qui fondent la citoyenneté. Or, ces deux exigences déjà très fortement fragilisées sont directement menacées par la réforme présentée.

  1. La maîtrise de la langue.

Commençons par la réduction continue des horaires de Français depuis une trentaine d’années, qui seront cette fois amputés pour donner naissance aux Enseignements Pratiques Interdisciplinaires. Il est évident qu’on n’enseigne pas plus et mieux avec moins d’heures. Par ailleurs, dans les programmes présentés pour le collège, l’apprentissage ordonné et progressif de la grammaire et de l’orthographe est prohibé. La leçon d’orthographe ou de grammaire doit être exceptionnelle car elle ne fait pas « sens » pour les élèves. (Vieille marotte des pédagogistes qui revient régulièrement dans les programmes depuis 20 ans, avec les résultats que l’on peut aisément constater). De même, les exercices répétitifs et l’apprentissage des leçons par cœur, (grâce auxquels les Hussards noirs du dernier siècle amenèrent des petits Bretons ou Marseillais à une maîtrise de la langue dont on n’oserait plus rêver aujourd’hui) sont à éviter. Toujours cette vieille idée que les règles sont une souffrance insupportable et que c’est à l’ « enfant-roi » d’inventer les siennes. Cela a pour conséquence la disparition de l’apprentissage de la langue comme processus de transmission. Pour les enfants des quartiers populaires, le préjudice est énorme et c’est le risque de les voir livrés sans défense à tous les processus verbaux de manipulation à l’œuvre aujourd’hui. Le Collectif Racine préconise un renforcement substantiel des horaires de Français au collège car la maîtrise de notre langue par tout jeune qui sort de notre école est un impératif catégorique.

  1. Le partage d’une culture commune. La France a tant à offrir…. Or, force est

 de constater que, de cette culture millénaire, qui nourrit la fierté d’être Français et qui seule permet le « vivre-ensemble », il est fait table rase.

Cela commence avec l’enseignement de la langue et de la culture latines (et  grecques) qui permet de jeter des ponts avec les peuples tout autour de la Méditerranée. Il est largement pratiqué dans les établissements ZEP et représente le meilleur de ce que l’école républicaine peut offrir aux élèves les plus défavorisés.

Quant aux grands noms et mouvements de la littérature française, ils disparaissent des programmes de Français, remplacés par des problématiques dans l’air du temps telles « Se chercher, se construire » ou « Agir sur le monde ». Il ne manque plus qu’ « Oreste et le développement durable » ou « Andromaque et les discriminations sexuelles ». On pourra désormais sortir du collège sans avoir jamais croisé Jean Valjean ou Chimène. L’Ecole avait-elle pourtant plus beau, plus grand ou plus efficace à offrir en termes de construction de la personnalité ? Les improvisations de Jamel Debbouze, peut-être.

Enfin, les programmes d’histoire ont suscité une large réprobation car on touche au cœur de la problématique de la construction de la citoyenneté et de l’intégration. L’enseignement du Moyen-Âge et du christianisme facultatif et vu sous l’angle de l’histoire des mentalités, l’enseignement de l’islam obligatoire, la disparition du roman national et des « grandes heures » au profit d’une « histoire ouverte », le recensement insupportable de tous les crimes dont notre pays se serait rendu coupable … Et après cela, on prétend faire partager les valeurs de notre nation qui découlent de cette histoire si belle et souvent glorieuse qu’on aurait pu utiliser pour susciter le sentiment d’appartenance : rappelons-nous Romain Gary rêvant enfant sur les grands hommes de notre pays.

   Enseignants de banlieue, nous appelons aujourd’hui à une refondation de l’Ecole qui s’appuie sur la République, et non sur le savoir d’experts et de technocrates auto-proclamés : la République et la Nation, car les deux vont de pair comme nous le rappellent Charles Péguy mais aussi Marc Bloch. C’est seulement à cette condition que pourront se résoudre la crise scolaire et la crise de citoyenneté qui gangrènent nos banlieues.

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