Chroniques de ZEP : Violence au quotidien

Chroniques de ZEP : Violence au quotidien

Violence au quotidien

 

Lundi : un intervenant extérieur vient présenter son métier aux élèves. Il se fait insulter par des élèves de la classe. J’accueille ma classe de troisième, un élève dort sur la table, je lui dis de se mettre au travail : « c’est pas juste ! »  et « de toute façon je n’ai pas mon classeur, il ne rentre pas dans mon sac ! »

Une collègue se fait insulter car elle exige la mise au silence d’une élève. Celle-ci lui dit qu’elle est mesquine… Cette collègue est sûrement trop rigide avec ses élèves, elle devrait faire preuve de plus de tolérance et de compréhension face à cette élève qui, il y a quelque temps, a tenu ouvertement des propos racistes et homophobes et qui a racketté des camarades l’année dernière dans ce même collège…

 

Mardi : à la sortie du collège : deux bagarres. Une des victimes a trois semaines d’arrêt de sport pour entorses au bras et au genou. Les parents portent plainte. La deuxième victime revient avec un œil au beurre noir. Un des agresseurs est un ancien élève, l’autre est un élève qui sera en classe jusqu’à la fin de la semaine.

Je fais une interrogation. Sur les 17 élèves (tous ont été prévenus du contenu de l’interrogation de leçon), seuls 5 connaissent le cours : je me sens utile et efficace !

 

Mercredi : je dépanne mes collègues en accompagnant une sortie scolaire. On prend le bus, les élèves crient. En sortant du spectacle, un élève déclare à un camarade : «  ce con de prof, il fait chier ». On l’interpelle : « mais ce n’est pas de vous que je parlais » !!! et poursuit en argumentant que le professeur en question est effectivement un «  con de prof qui fait chier avec des cours nuls ». On reprend le bus, nos chères têtes blondes jouent à se donner des gifles ! J’ai honte de les accompagner… Remarque d’un collègue : «  voici ce qui arrive quand on leur interdit d’utiliser leur portable dans les transports, il fallait leur autoriser ».

En fait, c’est de notre faute, on est trop stricts…

 

Jeudi : l’alarme incendie est déclenchée plusieurs fois. Un collègue aperçoit un élève, lui demande de le suivre. Il se fait insulter. Petit détail : cet élève avait auparavant menacé un collègue et l’avait quasiment plaqué au mur !!!!!

Mais étions-nous vraiment sûrs à 100% que l’élève était bien celui qui avait déclenché les alarmes ? A-t-il avoué ? Le professeur n’a-t-il pas usé d’autoritarisme ??? A-t-il été bienveillant ???

 

Vendredi: au début de mon cours, porte ouverte, un élève (qui n’est pas de la classe) s’introduit dans la classe, s’installe puis repart : c’était, a-t-il dit, une petite « blagounette » parce qu’il m’aime bien !!! Moi, je travaille et ne trouve pas ça drôle…

Sans compter la mère d’élève qui a écrit un mot dans le carnet de son fils spécifiant que son fils n’irait plus au cours de français tant qu’il ne changerait pas de professeur…. Ce professeur impose à son fils de travailler !!!

Je vais pouvoir rentrer chez moi, enfin en week-end !

Je vois trois surveillants qui tentent de faire sortir dans la cour 5 élèves dont deux qui s’accrochent à la poignée de la porte. Je les aide. Il me faut user de la force. Une élève maintient la porte ouverte, une autre donne des coups de pied dans la partie vitrée de la porte, une troisième tape la tête d’une camarade sur la porte pour rire, une quatrième court à l’opposé pour nous échapper et la cinquième rigole. J’emmène une des élèves dans le bureau de la direction, elle me traite de folle et les surveillants ont dû verrouiller la porte pour empêcher les autres de rentrer de nouveau en espérant que la porte ne se casse sous les coups…

 

Des volontaires pour faire le plus beau métier du monde ???

2 commentaires on "Chroniques de ZEP : Violence au quotidien"

  • Jo dit

    Il est évident que la situation telle que vous la décrivez est triste, le constat que vous en faites est alarmant.
    Le problème dans votre raisonnement c’est qu’on à la légère (…) impression que si la situation en est ainsi, c’est parce qu’il y à un déficit d’autorité (dans le sens restrictif du terme). Pensez-vous qu’en usant de plus d’autorité, j’entends ici d’utiliser une force physique ou verbale supérieure à ceux-ci, vous réussirez à faire changer la situation?
    La rupture au niveau du dialogue est déjà plus que consommée et vous pensez redonner du sens à l’école en usant d’une autorité punitive qui, au final en exclura du système scolaire des enfants (déjà) à la marge dans les classes ?
    Votre unique solution au problème de l’école est donc de répondre au manque d’intérêt et de compréhension (certes cette incompréhension se manifeste de manière très violente) par la restriction et l’ordre ? Je vous demanderai donc, si ce triste ordre des choses viendrait un jour à se produire quelle serait la différence entre nos écoles et nos prisons ?
    Avez-vous tenté une fois de vous mettre dans la tête de ces élèves qui insultent, frappent et se rebellent à tors et à travers ?
    Pensez-vous que l’on est violent par nature ?
    Ne vous est-il jamais passé par l’esprit que ces derniers ne comprenaient pas « pourquoi l’école ? ». Pour eux elle ne sert à rien et ne les aidera pas plus tard dans quoi que ce soit et je peux vous parier que c’est la réponse qu’ils vous feront si vous le leur demandez.
    J’ai moi-même été élève en ZEP, agi comme les élèves que vous décrivez et pensé comme eux.
    Reste à savoir ce que vous leur répondrez. Qu’ils doivent se soumettre à un ordre établi, rentrer dans le rang et fermer leur gueule sinon c’est dehors ?
    C’est une pratique qui ressemble de très près à certaines tristes périodes de notre histoire.

    Mais permettez-moi de vous citer Paulo Freire, pédagogue Brésilien (1921-1997), dont j’espère que vous connaissez l’existence.
    Paulo Freire a eu durant sa vie de pédagogue, de philosophe à faire à des « hordes de sauvages » illettrés, des paysans, des prolétaires, parfois violents face à son intervention dans le but de les mettre en condition à l’apprentissage de l’écriture.
    Oui, Freire (parmi d’autres) à du travailler avec la fange, le bas peuple brésilien, mais il les a considérés comme des égaux et non pas comme des ignorants, « le peuple, [comme l’enfant] ne sait pas qu’il sait ». La haine de vos étudiants est peut-être le fruit de leur incompréhension face au système et de votre incompréhension face à la leur.

    « L’idéologie fataliste et immobilisante qui anime le discours néo-libéral parcourt librement le monde. Avec des airs de post-modernité, elle insiste pour nous convaincre que nous ne pouvons rien contre la réalité qui d’historique, passe pour être ou devenir « quasi-naturelle ». Des phrases comme « la réalité est ainsi, que pouvons nous faire ? » ou « le chômage dans le monde est une fatalité » rendent compte de cette idéologie et de son indiscutable volonté immobilisatrice. De son point de vue, cette idéologie n’offre qu’une seule sortie pour la pratique éducative : adapter l’apprenant à cette réalité qui ne peut être changée. Il en découle la nécessité de l’entraînement technique indispensable à l’adaptation de l’apprenant, à sa survie  »

    Les jeunes sont inconsciemment partisans de cette idéologie, la faute à un peu tout le monde, mais il inutile de trouver les coupables, il suffit de s’en rendre compte, d’avancer en conséquence.

    Ne cédez pas à la tentation, ne répondez pas à la violence par la violence.
    Je n’essaie pas de vous faire passer pour des bourreaux et vos étudiants des victimes, mais il conviendrait de repenser les positions de chacun (institution scolaire comprise) pour convenir de quel type de citoyen l’on veut former et quel rôle l’on veut donner à l’école .

    Cordialement

  • Rozec dominique dit

    Vous avez tout mon soutien. Il est temps que ce genre d’exactions s’arrêtent. Quant à moi mes collègues font courir la rumeur que je suis une grosse raciste parce qu’ils ont appris par la presse que j’étais au FN . Je suis complètement isolée dans la salle des profs et le vis très mal.
    Dominique Rozec