Les « petits chefs » de l’Education nationale

Les « petits chefs » de l’Education nationale

par Alexandre Liéthard

Qu’il me soit permis à travers ces quelques lignes de déroger quelque peu à l’essence du combat qui anime le collectif Racine : celui de la reconquête des valeurs. C’est aux principaux représentants des équipes de direction administrative que j’entends m’attaquer. L’on pourra considérer après m’avoir lu que ces derniers, s’ils ne sapent directement les valeurs que nous défendons ici, contribuent régulièrement, par leur attitude méprisante, au mieux négligente vis-à-vis du corps professoral, à attiser les flammes qui embrasent aujourd’hui l’école.

Quelques exemples tirés d’un vécu proche suffiront je l’espère à éveiller les consciences au sujet des aberrations qu’endurent chaque jour nos collègues.

Commençons par les CPE, les conseillers principaux d’éducation, qui, à n’en point douter, fournissent en de nombreux établissements un travail plus que louable. Mais comment ne pas être alarmé, scandalisé, lorsque vous constatez au cours d’une année scolaire l’inutilité croissante des « fiches de signalement », qui ne sont plus transmises aux chefs d’établissement, ni même lues, parfois….lorsque vous avez signifié une heure de colle à un élève et que celle-ci est volontairement supprimée (quelle légitimité incarner face à lui ensuite ?)… ou encore lorsqu’on vous avoue à demi-mots qu’il n’y a rien à faire parce que les parents appellent et mettent leur veto à une décision….

Ces personnes, censées être recrutées pour leurs qualités de pédagogue, laissent souvent l’impression d’agir contre les professeurs, au nom de « l’intérêt de l’élève », érigé au-dessus de tout. Leur but est d’imposer leur gestion fuyarde des crises, lesquelles selon eux doivent se résoudre dans l’enceinte de la salle de classe. Quel rôle leur reste-t-il à jouer, si l’ensemble des actions éducatives sont dévolues aux seuls enseignants ?

Plus grave encore est le comportement de certains chefs d’établissement, qui contreviennent systématiquement aux règles les plus élémentaires de la déontologie. J’ai été cette année le témoin impuissant de l’acharnement injustifié de ma chef d’établissement contre l’équipe des professeurs de mathématiques. Les résultats scientifiques ayant baissé au baccalauréat, la proviseure a, de façon parfaitement illégale, déclenché une série d’inspection contre eux, prétextant leur responsabilité. En fin d’année, lors de la répartition des services pour la rentrée 2013, celle-ci s’est invitée à leur réunion et a décidé arbitrairement des niveaux attribués à chacun. Je n’ose imaginer l’humiliation ressentie par mes collègues.

Prise entre les feux du ministère et ceux des parents d’élève, cette proviseure a décidé de frapper les professeurs. Incapable de rendre des comptes, dépourvue d’autorité naturelle et de toute aptitude efficace et véritable au commandement, elle est ce qu’il convient d’appeler « un petit chef ». Il semblerait que cette espèce prolifère, ce qui a de quoi inquiéter.

Cela m’invite à attirer l’attention sur une dernière injustice : celle des inspections. Les professeurs en réclament à cor et à cri l’uniformisation nationale depuis des années. En vain… Il n’est plus acceptable que les tyranneaux et autres incompétents évoqués plus haut s’en sortent toujours indemnes, alors que des professeurs voient leur carrière s’enliser, victimes de la vindicte inexpliquée d’un inspecteur, sans aucun recours possible. Le licenciement inqualifiable de stagiaires après un ou deux ans de bons et loyaux services est en recrudescence. Ne parlons pas des candidats qui échouent à quatre ou cinq reprises au CAPES et qui cependant, sont reconduits chaque année dans leur fonction de vacataire, précarisés et utilisés jusqu’à la corde…

Par ce billet, je mets en garde chacun d’entre nous, afin que le professeur ne devienne pas, du fait de son devoir de réserve, un bouc-émissaire permanent. C’est en dénonçant de tels faits qu’il apparaîtra véritablement comme un fonctionnaire de l’Etat « éthique et responsable ».

J’en appelle enfin à une réelle solidarité de corps entre tous les acteurs de la vie éducative. Dans les murs de nos écoles, de nos collèges, de nos lycées, se fait sentir plus que dans n’ importe quel lieu l’impérieuse nécessité de faire front face à un horizon culturel et social qui se révèle un peu plus intolérable chaque jour. Mettons un terme aux mesquineries, aux contrariétés du quotidien, à toutes ces entraves et à toutes ces tracasseries qui nous empêchent de renouer avec l’excellence ! Faisons fi de nos divergences, et avançons main dans la main sur la voie du redressement de l’enseignement français !

3 commentaires on "Les « petits chefs » de l’Education nationale"

  • paolinetti dit

    Ce discours enflammé et sans nuance traduit beaucoup de frustrations et une incapacité à agir efficacement sur une institution scolaire en déclin.

    Je pourrais, moi aussi, m’abandonner à de rudes critiques sur le corporatisme des enseignants. Je pourrais pointer leur formation trop académique, essentiellement livresque, où l’étude de l’éthique en général et de déonthologie professionnelle en particulier sont absentes.
    Je pourrais fustiger ces syndicats enseignants omniprésents et omnipotents qui insistent sur les droits des professeurs en omettant les devoirs qui imcombent aux fonctionnaires de l’Etat.
    Je ne relèverai pas les affirmations péremptoires et erronées sur ce qui est légal ou illégal. Je préfére me soucier de ce qui est légitime.

    Je rappellerai simplement que les enseignants n’exercent pas une profession libérale. Malheureusement, une interprétation extensive de la notion de « liberté pédagogique » conduit un certain nombre de collègues à se comporter en travailleur indépendant affranchi de toute obligation de rendre compte.

    Je suis chef d’établissement adjoint, je travaille en étroite collaboration avec les équipes disciplinaires et pédagogiques. Pour moi les professeurs sont des collègues, pour certains d’entre eux , je suis  » l’administration », un « machin » pesant et monolithe, comme s’ils en étaient exclus alors qu’il en sont le coeur …La sémantique est impitoyable, elle trahie sans vergogne l’état d’esprit des gens.

    Pour finir, je pense que vous vous trompez de cible, personnels de direction, inspecteurs sont des acteurs de terrain, au même titre que les enseignants. Ils sont au contact des difficultés du quotidien au même titre que les professeurs, affrontant la déliquescence de notre société et devant composer avec une hiérarchique trop souvent en retrait dont le leitmotiv est « ne faisons pas de vagues » …

    Alors cher collègue, en débarbouillant vos propos de leur fange injurieuse et partiale, je perçois ce qui peut nous rapprocher : La volonté de voir enfin, l’éthique et le respect au coeur des préoccupations de notre institution scolaire, afin de rendre un service public de qualité à nos concitoyens.

    • LIETHARD ALEXANDRE dit

      Bonjour chère collègue,

      Ce communiqué était mon premier, et je mesure aujourd’hui qu’il pêche par emphase, et aurait en effet mérité d’être « débarbouillé ». Je venais de connaître une année douloureuse où ma hiérarchie refusait systématiquement de prendre ses responsabilités. Je reconnais qu’il déborde de frustration et de basses attaques. Je vous fait part en tous cas de mes excuses. Notre objectif est bien sûr de travailler main dans la main, mais tout le monde doit jouer le jeu, sans quoi le climat est intenable. J’espère que mes deux communiqués suivants auront plus été à votre goût.

      Cordialement,

      A. Liéthard