La note, un levier pour la réussite scolaire

La note, un levier pour la réussite scolaire

par Anne Vigan

1.         La volonté de supprimer les notes

 

Malgré de plus en plus de bacheliers, le système éducatif en France ne fonctionne plus. Le test PISA en est une illustration, les diplômes ne représentent plus rien, le nombre d’élèves entrant en 6ème sans maîtriser la lecture augmente.

Les incivilités, le manque de motivation dans les classes au sein des élèves mais aussi des enseignants augmentent. Les professeurs en ont assez de mettre des mauvaises notes, les élèves en ont assez d’avoir de mauvaises notes et les gouvernements ne savent plus comment masquer l’échec de notre système éducatif. Que faire ?

 

Nos élèves sont en échec, le décrochage augmente, les élèves se démotivent, les enseignants sont en souffrance. Pour masquer l’échec de notre système éducatif, on supprime les notes.

Mais il ne suffit pas de supprimer les notes pour supprimer l’échec scolaire. Casser un thermomètre suffit-il à supprimer la fièvre ?

 

Le contrôle continu pour le Diplôme National du Brevet (DNB) entraîne une pression sur les enseignants pour augmenter les notes au sein des établissements. Par exemple, dans un collège ayant obtenu 38% de réussite au DNB, le chef d’établissement, lors du brevet blanc de l’année suivante, a volontairement supprimé des moyennes les notes qui « baissaient les notes de contrôle continu et handicapaient nos élèves pour les orientations en filières professionnelles ». Alors que nous savons bien que les élèves sont déjà surnotés en ZEP. Quelle valeur a notre évaluation ? Sommes-nous crédibles face à de telles pratiques ?

 

Un collègue de Sciences Physiques a entendu le discours suivant tenu par son inspecteur : les élèves doivent avoir de bonnes notes pour être motivés, c’est comme cela qu’ils se mettront au travail. Les notes ne récompensent pas le travail mais seraient le moteur de la motivation….. Mettons donc de bonnes notes aux cancres pour qu’ils deviennent de bons élèves et oublions les bons élèves qui font des efforts !

 

Comment aider les plus en difficultés et lutter contre le décrochage si le message officiel est de travailler moins pour avoir plus de points ? Nous devons au contraire encourager les efforts d’apprentissage de tous et montrer à tous que la réussite ne peut être obtenue qu’après des efforts et du travail.

 

Un des motifs de la suppression des notes est le caractère jugé « arbitraire » de la note donnée par l’enseignant. Sommes-nous à ce point incompétents que nous ne saurions évaluer le travail, les connaissances et les compétences de nos élèves ?

Avec une telle vision de la note, il est vrai qu’elle empêche un « feed back » sur l’erreur puisqu’elle ne reconnaît plus le travail de l’élève.

Donc au lieu de réfléchir sur le sens de la note, on la supprime. Mais enlever les symptômes n’entraîne pas la guérison.

Ce n’est pas la note qui met nos élèves en souffrance, mais notre système éducatif.

 

2.               L’intérêt de la note

 

La note peut, au contraire, servir de levier de réussite. Elle reconnaît les efforts de l’élève, cela ne remet pas en cause la prise en compte de ses difficultés. Elle lui apporte des repères, ce qui manque cruellement dans notre société. Qui suis-je, comment je me positionne vis à vis de mes pairs ?

 

Ce qu’affirme Daniel Pennac dans Chagrin d’école, prix Renaudot en 2007 – « Je préfère infiniment l’entraide entre les enfants que l’écrasement des nuls par les forts » – n’a rien à voir avec la disparition ou non des notes

 

Les notes permettent un meilleur choix d’orientation (je sais clairement où se situent mes points forts), repères pour valoriser l’estime de soi : je travaille et je suis reconnu pour ce travail. Et non, je suis un assisté qui se laisse porter par des « bien pensants », en tout cas des «mieux pensants » que moi. L’élève, pour éviter le décrochage, doit être acteur de sa scolarité et non la subir.

Mais encore faut-il que l’orientation soit possible au collège. Où se situe la bienveillance quand on oblige un élève à rester au « collège unique » sans possibilité d’orientation quand il est en échec ? Ne serait-il pas réellement bienveillant de lui permettre une orientation en apprentissage ou en filière professionnelle ? A moins que l’on sous estime ces filières ? Serait-ce moins noble ? Il est temps de réhabiliter une orientation prenant la juste mesure des capacités de chacun et, partant, ses chances de réussite et d’épanouissement.

 

Les enseignants doivent former des « futurs citoyens ». Dans une société où tout est chiffré, quantifié, organisé sous forme de statistiques, est-ce réaliste d’en limiter l’accès à nos élèves ? Mais en continuant ainsi à leur mentir, en leur faisant croire qu’ils sont tous bons partout et capables de tout, leur permet-on de trouver leur place dans notre société ? Cette société qui ne cesse de déplorer les conséquences de l’enfant-roi mais qui fait tout pour le laisser dans cette situation insécurisante…

 

3.               Les expériences sans notes

 

Plusieurs pays ont tenté l’expérience, mais ils en sont aussi revenus. L’utilisation de la note revient ainsi que l’exigence de recentrer les apprentissages sur des connaissances solides.

 

– En Suisse, lors d’un référendum en 2006, 75,7% de la population demandent un retour aux notes et au redoublement à l’école primaire

 

– Au Québec, le 1er juin 2007 le ministre de l’Education a annoncé un retour à un bulletin chiffré, un retour de l’inscription de la moyenne de la classe sur les bulletins avec comme motivation «  il est important de pouvoir situer son enfant dans l’ensemble de la classe pour être capable de bien évaluer son enfant » et la possibilité pour chaque enfant de pouvoir redoubler chaque année en primaire.

 

– L’Allemagne, comme la Finlande, en avril 2007 a généralisé un test de connaissance de la langue Allemande  tous les 4 ans.

 

– En Suède, en décembre 2007, le parti social démocrate présente son nouveau projet qui met au centre de ses préoccupations l’acquisition des connaissances par ses élèves en augmentant le nombre d’heures de cours, en mettant en place des contrôles nationaux dès la troisième classe ( équivalent au CE2) au lieu de la 5eme classe ( 2 ans plus tard) et en introduisant un système de notation.

 

On peut remarquer que la Belgique (15eme au test PISA 2013) utilise des notes sur 100 ; la Suisse (9eme au test PISA) note entre 1 et 6, les Pays Bas (10eme au test PISA) note entre 1 et 10, l’Allemagne ( 16eme au test PISA) note entre 1 et 6 ; la Pologne ( 14eme au test PISA) note entre 1 et 5 ; le Québec ( 13ème au test PISA) note sur 100, la Corée du Sud (5eme) et le Japon (7eme) notent sur 100.

 

Ce n’est donc pas la notation chiffrée ni même la semaine de 4 jours qui font chuter la France au test PISA !

3 commentaires on "La note, un levier pour la réussite scolaire"

  • LE MOAL PATRICIA dit

    Article très pertinent. Et tout le monde appréciera, de plus, l’humour de son auteur!

  • PREVOST dit

    La suppression de la note, jugée traumatisante alors que les professeurs subissent une pression intolérable pour surnoter, note à laquelle tiennent les élèves qui arrivent encore à être motivés par ce résultat chiffré a des buts plus inavouables.
    Les professeurs devront à la place remplir un carnet de compétences qu’ils seront dans l’incapacité de renseigner correctement.
    Par exemple, en mathématiques, il y aura une de compétences à valider du genre:  » sait extraire d’un énoncé les informations essentielles » ou « sait mettre en place une stratégie pour résoudre un problème ».
    Comment juger dans une classe de 35 élèves des compétences aussi précises?
    Les professeurs rempliront donc ces carnets comme ils pourront, c’est à dire en cochant systématiquement la case compétence acquise ou au pire, compétence en voie d’acquisition.
    Cela entraîne bien sûr la suppression du bac, qui parait-il coûte trop cher, par un ensemble de compétences qui ne voudront strictement rien dire!

  • jr dit

    La note qui est expliquée, qui ne stigmatise pas, mais sert à progresser est aussi une façon de responsabiliser les élèves. Dans un bareme elle est beaucoup plus juste qu’un acquis, un A, etc qui relèvent de la relation enseignant / élève parfois.