Le Conformisme militant d’ « Alternatives économiques »

Le Conformisme militant d’ « Alternatives économiques »

Exemple d’un conformisme militant :

le dossier sur

« la France du Front National »

(magazine Alternatives Économiques)

 

par André Bayard

professeur agrégé d’économie

 

 

Sous l’appellation un rien pompeuse de « dossier » la revue Alternative Éco de février 2014 (numéro 332) s’en prend au programme économique du Front National.

S’il n’est évidemment pas question de mettre en cause la liberté de presse, il est en revanche tout à fait possible de souligner une démarche bien plus politique qu’économique.

 

D’une part, un lecteur fidèle de la revue serait bien en peine d’y découvrir d’autres « dossiers » consacrés à la politique économique ou au programme de l’UMP ou du PS…

D’autre part, alors même que la revue, lue par un grand nombre de professeurs d’Économie est, d’ordinaire, de bonne qualité pédagogique, il est évident que la parution de ces pages partiales est directement liée aux prochaines échéances électorales -et aux bons sondages enregistrés par le FN…

 

UN DOSSIER DE CIRCONSTANCES MARQUÉ D’ESPRIT PARTISAN

 

Comme il a été dit, un dossier de démolition de programme économique n’est pas dépourvu d’arrière-pensées quand il paraît à quelques semaines d’élections municipales et européennes…

 

Cependant, il est piquant de remarquer les approximations partisanes qui disqualifient la prétendue « analyse » critique.

À la page 59, on apprend » que le FN voudrait « sortir de l’Europe pour aller… nulle part ».

C’est ainsi confondre Europe et euro, négliger que la zone euro est bien plus restreinte que l’union européenne et oublier, surtout, que maints États comme la Grande-Bretagne et la Suède s’en sortent « moins mal » que la France en ayant conservé leur monnaie nationale.

À la même page, alors même qu’il s’agirait de disqualifier le FN pour manque de compétence, on apprend dans un encart qu’il fait la synthèse entre de très nombreux économistes de renom, dont des prix Nobel, et que, « dans une quête désespérée de crédibilité », il attire à lui des cautions universitaires aussi éclatantes que celle de Jean Richard Sulzer, ancien Professeur à Paris-Dauphine…

Faut-il le préciser ? Le FN ne manifeste, évidemment, qu’une écologie « pour la forme » (page 61), « discrimine à tous les étages » (pages 62 et 63) tout en s’accoquinant avec des « extrêmes droites nourries du sentiment de déclin » (page 67 et 68).

Dans ce florilège, malgré la surveillance attentive d’un de ses éditorialistes membre de Terra Nova (officine nourrissant le PS d’idées néo-libérales et pseudo « sociétales »), le FN n’échappe guère qu’à l’accusation d’anthropophagie.

 

Qu’importe, puisqu’il s’agit d’entrer en campagne, de faire feu de tout bois, quitte à s’engager dans une réflexion bien peu « alternative ».

 

 

UNE RÉFLEXION ÉCONOMIQUE FORT PEU ALTERNATIVE

 

Au temps lointain de ses débuts, la revue qui nous occupe se piquait de démontrer la pertinence des leçons de Keynes, tout en luttant contre la sourde infiltration des thèses, ô combien antisociales, de Milton Friedman.

Évidemment, cette position devient difficile à l’heure où François Hollande se range à une politique de « l’offre »…

En revanche, quand le Président de la République annonce dans la même conférence de presse tant son changement de cap économique que sa volonté de lutter « contre ceux qui veulent sortir de l’euro », Alternatives Eco retrouve de l’énergie.

 

Le problème est que la vigueur partisane ne confère pas automatiquement la compétence technique.

Au reste, c’est ce qu’a démontré le numéro 876 (début février) du magazine MARIANNE, consacré, justement, au « débat interdit » : « sortir de l’euro ».

 

Le lecteur réellement soucieux d’information pourra y trouver bien des réponses aux à-peu-près politiciens d’Alter Eco.

D’une part, chez Marianne, même des auteurs qui redoutent l’effet inflationniste éventuel de la sortie de l’euro soulignent qu’elle n’alourdirait en rien la dette publique (Jean-Marc Daniel, page 22).

D’autre part, le très célèbre André ORLÉAN, fort peu suspect de « droitisme » politique, affirme « faire partie de ceux qui considèrent que « la situation d’une grande partie des salariés serait meilleure si la France n’avait pas fait le choix de l’euro  »

Nul n’est besoin d’accumuler les citations, même s’il en est bien d’autres.

Nul besoin non plus d’ironiser sur la Suisse, dont chacun sait la pauvreté, loin de l’euro…

 

De véritables économistes pourraient s’intéresser à ce que fut la politique de l’Argentine et à celle que mène, actuellement, le Japon, tous deux à l’aide d’une véritable monnaie nationale.

 

On aura compris que ce n’était pas là le but d’Alter Éco !

On aura surtout perçu combien cette revue, devenue très conformiste, ne supporte plus d’autre alternative que celle qui consiste à faire assumer la même politique par deux partis faussement opposés.

Le professeur vraiment consciencieux pourra alors se demander s’il est vraiment utile de continuer à abreuver ses élèves d’une prose aussi fallacieusement orientée.

2 commentaires on "Le Conformisme militant d’ « Alternatives économiques »"

  • PLEURANT dit

    Excellent article !

    Trop peu de gens savent que M. PECH, dirigeant d’Alte-Eco n’a rien d’un économiste « neutre » : membre de Terra Nova, il est la voix déguisée du PS et du conformisme euro-béat

  • Chantant dit

    Intéressant d’étudier la réaction de militants du FN face à un article qui, pour une fois, ne tacle pas le passé trouble de nombre de vos candidats aux municipales mais s’intéresse point par point, de manière argumentée et valable au programme économique de votre parti… « S’il n’est évidemment pas question de mettre en cause la liberté de presse » non, plutôt la discréditer en l’accusant d’être partisane et militante… Quant à l’argument selon lequel le journal alter éco ne traite jamais du programme des autres partis politiques, il suffit de lire la couverture du même numéro pour voir que la critique n’est pas réservée au seul Front National. La plupart des derniers numéros se sont en particulier attachés à interroger le programme et les récentes décisions économiques de François Hollande.
    Toujours la vielle rengaine victimaire frontiste donc!

    Bref, revenons en au fond de l’affaire : la sortie de l’euro, puisque c’est de cela dont il s’agit visiblement. Vous comparez la situation du Royaume-Uni, de la Suisse et de la Suède, qui ne s’en portent « pas moins mal » selon vous avec celle de la France. Donc, comparons la sortie unilatérale de la seconde puissance économique de la zone euro avec celle de pays qui historiquement se sont toujours tenus à l’écart du processus d’intégration européenne. Vous éludez bien entendu tous les effets désastreux que cette sortie provoquerait sur la monnaie française (attaques spéculatives, crise de défiance vis-à-vis du franc)… ajoutons à cela la dévaluation compétitive prônée par votre programme et la croissance est de retour à coup sûr! … celle des dépenses, quand les importations représentent 30% du PIB, que la moitié des biens manufacturés consommés en France sont importés…. En gros, ce n’est pas le retour au franc qui est avancé, mais allons plus loin, l’ancien Franc pourquoi pas? Vous qui êtes si nostalgique de « l’éternel hier »… Et je n’aborde pas ici la question de l’isolement économique et politique que cela entraînerait dans une économie aujourd’hui mondialisée…

    Quant à la citation d’Orléan, ayez là aussi l’honnêteté d’aller un peu plus loin qu’une phrase reprise dans un article de Marianne : ce n’est pas l’euro lui même qui est remis en cause par l’économiste, mais l’idéologie libérale sous-tendue, l’euro fort et l’incapacité des pays européens à poursuivre l’intégration politique nécessaire. Orléan ne remet toutefois nullement en cause l’impact désastreux qu’occasionnerait une sortie de l’euro : « Il faut avoir la lucidité de dire qu’aujourd’hui l’euro est un poids pour nombre de pays qui, comme la France, iraient bien mieux sans lui. Cependant, la sortie de l’euro a également des coûts qui peuvent s’avérer dirimants. » (source : entretien avec A. Orléan, l’Humanité le 7 août dernier). Qui a parlé de partisanisme?

    ps : rassurez-vous, je ne suis ni chez Terra Nova, ni journaliste à alter éco, ni militant de Sud éducation ou solidaires…